Il aimait la retrouver chaque soir dans ce bar à l’ambiance rose néon. Telle était sans aucun doute la couleur dominante du lieu. Un tel endroit paraissait bien peu propice à un rencard amoureux et pourtant, par nostalgie certainement, c’était ici et nulle part ailleurs qu’il désirait la retrouver.
Outre le rose néon, ce qui qualifiait ce lieu, c’était peut-être la gente débauchée qui le fréquentait. Des hommes et des femmes si l’on pouvait encore les nommer comme tel, plus machine que chair ferme, à l’aspect douteux, tatouages à la signification obscure, crâne rasé ou semi-rasé, corps scarifié.
Les androïdes serveuses, créature à l’apparence humaine recouverte de métal blanc, se baladaient entre les tables, leur poitrine proéminente artificielle pointée en avant, à l’affût des moindres besoins de la clientèle. Elles constituaient l’attrait principal du lieu, silencieuses, dociles, attirantes, toujours prêtes à rendre le moindre service aux clients fidèles comme de passages de l’établissement, que ce soit au bar ou dans les salons privés en haut.
Il regardait les nombreux menus, bleus néons, jaunes flash, verts gelée, mélange de couleur sans harmonie donnant le mal de tête, en attendant qu’elle arrive. Elle n’était pas en retard, non, il arrivait tout simplement trop tôt, chaque soir encore et encore, brûlant d’anticipation pour cette rencontre comme s’il s’était agi de la première. Pourtant, on en était bien loin, de leur première rencontre.
Assis sur un tabouret au clinquant de rose néon que le reste de l’endroit, toujours le même aussi, il guettait son arrivée à travers la fenêtre noire fumée. On ne distinguait pas très bien ce qui se passait de l’autre côté et pourtant, il l’aurait reconnu en n’importe quelle circonstance. Sa silhouette, sa démarche caractéristique. Elle arrivait toujours du même côté.
Et là voilà d’ailleurs, passant la porte du bar avec ce regard timide pour les alentours, intimidée par l’assortiment éclectique qu’était la clientèle. Le même rituel chaque soir. Elle le cherchait, scannant les alentours comme si elle ne savait pas qu’il était assis au même endroit inlassablement, mais on ne sait jamais. Puis elle le rejoint et ainsi peut débuter leur rencard. Le centième, le millième, peut-être même le dix-millième.
Mais un jour, ses regards timides, parcourant la salle rose néon, ne se posèrent jamais plus sur les siens, à lui. Un jour, il avait cessé de venir, sans explication aucune. Jamais elle ne comprit pourquoi. Elle ne le revit plus, brisée à tout jamais.
Si seulement il avait eu le courage de lui faire comprendre, comprendre à quel point il lui était difficile de la voir chaque soir encore et encore, tous les soirs réincarnant leur première rencontre en ce même lieu. Elle ne s’en rappelait pas, enfin si, mais pas de la première. Il y avait bien eu cette deuxième première fois, mais ce n’avait pas été la même chose, pas pour lui.
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